Nous avons quitté Kuching pour nous enfoncer dans la jungle, en remontant le fleuve Batang Rajang. Ici, on est loin des barges qui se trainent sur l’Amazone, la norme est aux speedboats : impressionnants engins fuselés de 3000 chevaux, filant sur le fleuve, entre les troncs flottants, à plus de 40 nœuds. Jusqu’à Kapit, les berges portent les stigmates de l’exploitation forestière intensive : nombreuses scieries, péniches chargées de bois, larges trouées dans la forêt.
A Kapit nous avons trouvé un guide de la tribu Iban pour nous amener découvrir une « longhouse » et y passer la nuit. Les longhouses sont les maisons communautaires traditionnelles de cette partie de Bornéo. Construites tout en longueur, elles hébergent jusqu’à 50 familles. Le terme « long » ne fait pas référence à la taille de la maison mais se traduit par une idée de convergence. On distingue une partie avant commune, lieu de vie, de rencontre et de travail, et une partie privative où chaque famille possède un logement privatif. Généralement, les familles ont un lien de parenté ; un chef est élu pour les décisions importantes.
Les Ibans ont longtemps été des chasseurs de têtes. Même si cette pratique est officiellement arrêtée, les têtes, chargées d’un puissant pouvoir, sont toujours exposées devant les portes d’entrée. Les hommes arborent d’impressionnants tatouages et ne se séparent jamais de leur machette… ce qui crée son petit effet.
Nous avons été reçus comme à la maison et dégusté les spécialités de la jungle (python, poulet cuit dans le bambou, pousses de fougères et cochon sauvage) arrosées de vin de riz artisanal. Ne parlant pas un mot d’Iban, nous nous sommes contentés du langage des signes. Les cartes postales de la maison (Sainte-Suzanne, le Cap Sicié et les Embiez) ont créé notre petit succès et sont passées entre toutes les mains à l’heure du thé.
Nous avons poursuivi la remontée jusqu’à Belaga, petit ville endormie où les 4x4 de luxe des forestiers côtoient les plus traditionnels des natifs. Cette portion de la rivière est connue pour les rapides de Pelagus, franchissables uniquement lorsque l’eau est suffisamment haute. Le passage ne dure que 10 minutes, mais, sur le toit d’un speedboat lancé à pleine puissance, on est quand même soulagé quand enfin le flot se calme.